Combler l’écart de rémunération entre les sexes avec des solutions numériques – Points essentiels

6 Oct 2020

Les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, et plus particulièrement les ODD 5 et 8.5 visent à atteindre l’égalité des sexes ainsi qu’à l’autonomisation de toutes les femmes et filles d’ici 2030. Garantir un salaire égal pour un travail de valeur égale représente un élément clé de ces objectifs et fait donc partie intégrale de l’engagement international de chaque pays.

La problématique de l’écart salarial entre les sexes reste un défi global. Tandis que cet écart s’est réduit dans la plupart des régions, une augmentation a pu récemment être observée dans certains pays. Par conséquent, l’égalité salariale est encore loin d’être une réalité : à l’échelle mondiale, les femmes ne gagnent que 77 centimes pour chaque dollar gagné par les hommes. En d’autres termes, les femmes sont toujours payées environ 20 pourcent de moins que les hommes.

Le but de ce 3ème webinaire de la Coalition Internationale pour l’Egalité Salariale (EPIC) du 19 août 2020 – organisé par le Bureau fédéral suisse de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) – était de mettre en exergue le rôle joué par les outils numériques qui visent à aider les employeurs à effectuer l’analyse de l’égalité salariale au sein de leur structure.

Les expert-e-s suivant-e-s ont participé à la discussion : M. Patric Aeberhard, expert égalité salariale au BFEG, Mme Rosalia Vasquez, économètre et analyste à l’OIT, M. Marc Pieren, associé chez Comp-On et M. Willem Adema, économiste sénior à l’OCDE. Notons que plus de 220 participants issus de 50 pays – de l’Argentine au Japon – représentant plus de 80 organisations, ont participé à ce webinaire. Une vidéo Youtube de l’événement est disponible ici.

En tant que modératrice, Mme Sylvie Durrer, directrice du BFEG et présidente du Comité EPIC, a souligné qu’en temps de crise, « il existe un grand risque que l’égalité salariale et donc l’égalité des sexes soient mises de côté. » En réalité la pandémie actuelle a touché les femmes de manière disproportionnée, créant ainsi un risque d’exacerber les inégalités de sexes existantes sur le marché du travail. Dans ce contexte, une chose est certaine: nous devons plus que jamais encourager l’engagement des employeurs en les assistant par le biais de plans d’équité salariale ou d’outils d’analyse faciles d’utilisation et gratuits.

Au cours des dernières années, les gouvernements ont lutté contre l’inégalité salariale entre les sexes par divers moyens, y compris par de nouvelles lois et décisions politiques. Par exemple, comme l’a souligné Sylvie Durrer : « En Suisse, depuis juillet 2020, les employeurs comptant 100 employés et plus sont tenus d’analyser leur pratique en matière d’égalité salariale, de faire vérifier l’analyse par un organisme indépendant et d’informer leurs employé-e-s et leurs actionnaires des résultats. »

L’élément central de ce webinaire était une démonstration de l’outil Logib. Cela a permis aux participant-e-s d’obtenir des informations pratiques sur l’utilisation de l’outil. La présentation de Patric Aeberhard a montré comment Logib peut rapidement fournir des informations précises sur le salaire moyen et les primes moyennes des femmes par rapport à ceux des hommes. Logib indique également le nombre de femmes dans les différents quartiles d’une entreprise et génère des rapports faciles à lire et prêts à l’emploi. Outre la simplicité de l’outil, le fait qu’il puisse être utilisé dans le monde entier, par des employeurs publics et privés, garantit que les employeurs appartenant à une structure d’une certaine taille puissent continuer à respecter leur obligation en matière d’égalité salariale. De plus, la méthode sur laquelle Logib est basée (variables utilisées et méthode statistique) est scientifiquement et légalement reconnue. A noter que selon une enquête suisse, la moitié des employeurs qui ont effectué une analyse à l’aide de Logib ont ensuite adapté leurs salaires pour garantir l’égalité salariale entre leurs employé-e-s.

Marc Pieren a mis en évidence certains défis liés à l’analyse de l’égalité des salaires. Il a souligné que si l’outil en tant que tel est facile d’utilisation, la phase la plus délicate du processus, du moins pour certaines entreprises, reste la collecte de données. Au stade initial certaines entreprises doivent investir suffisamment d’efforts pour préparer les données requises. S’agissant d’encourager les entreprises à réaliser une analyse de leurs pratiques salariales, Marc Pieren a souligné que « la jeune génération est très sensible à ces questions. »

Pour Rosalia Vasquez, l’écart salarial au niveau global peut être lié à l’écart salarial entre les sexes « au sein des entreprises elles-mêmes, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. » Selon elle, il est donc crucial de comprendre et de mesurer l’écart salarial entre les sexes « au niveau de l’entreprise. » Elle a aussi précisé qu’une analyse de l’égalité salariale « apporte une certaine connaissance et de la transparence », éléments qui se sont avérés être essentiels pour réduire l’écart salarial entre les sexes. Tout en parlant de la pandémie de la COVID-19, Rosalia Vasquez a mis le public en garde sur le fait que la crise sanitaire actuelle se transformera en crise économique persistante. Jusqu’à présent, la majorité des pertes d’emploi ont concerné des emplois occupés par des femmes. Cette situation pourrait en plus exacerber les inégalités existantes, qui seront plus difficiles à contrer lorsque les économies du monde entier seront en récession. En ce qui concerne les outils numériques, Rosalia Vasquez a noté que tous visent à mesurer les mêmes types d’indicateurs tels que les compétences, la responsabilité ou l’environnement de travail. L’avantage de Logib est sa simplicité, qui permet aux petites et moyennes entreprises – qui ne disposent pas nécessairement de ressources humaines importantes – de réaliser des analyses de rémunération entre les sexes.

Willem Adema a insisté sur le fait que « l’écart salarial entre les sexes est incroyablement difficile à combler. » Pour lui, les nombreuses politiques et lois anti-discrimination dans les pays de l’OCDE qui disposent l’égalité « ne semblent pas être suffisantes. » En parlant de la crise actuelle, il a mentionné que « la pandémie a mis une pression et un fardeau supplémentaires sur les femmes en termes de travail de soins non rémunéré » et que « cela n’a pas aidé les progrès déjà lents dans la réduction de l’écart salarial entre les sexes. »

Cette année, l’OIT et l’OCDE entreprendront des études qui cibleront l’écart salarial entre les sexes.

Dans ses conclusions, Sylvie Durrer a rappelé que « l’égalité des sexes n’est pas une option, mais une nécessité, même en temps de crise. » Elle a également attiré l’attention des participant-e-s sur la première « Journée internationale de l’égalité salariale » adoptée par l’ONU l’année dernière. Celle-ci sera célébrée pour la première fois le 18 septembre 2020 dans le monde entier, de Tbilissi à New York.